Sahid, un enfant d’à peine 5 ans, est originaire de Syrie mais il vit, momentanément, au Liban. Si on lui demande ce qu’il voudra faire lorsqu’il sera grand, il répond : « Gagner de l’argent, acheter des armes et combattre ». Fatima, au contraire, a déjà 12 ans et une seule certitude : « Je ne veux pas grandir, je ne veux rien devenir ». Voilà les lendemains sans espérance que Fr. Toufic Bou Merhi doit combattre chaque jour au Liban. Le frère, en tant que vicaire régional de la province arabe de la Région de Saint Paul et gardien du couvent Saint Joseph de Beyrouth, connaît bien ses fidèles. Il offre son service auprès de la paroisse de la Custodie de Terre Sainte et, chaque week-end, parcourt des centaines de kilomètres, aller-retour, vers le sud du Liban pour célébrer la messe à Tyr et Deir Mimas. Les problèmes à résoudre sont multiples, mais le Père Toufic ne se décourage pas.
LE CUSTODE ET LE PÈRE GÉNÉRAL AU LIBAN. Le Custode de Terre Sainte, Fr. Francesco Patton, a lui aussi rendu visite au couvent de Beyrouth pendant trois jours. Il a pu connaître les fraternités présentes et les œuvres spirituelles et matérielles qu’ils animent. Il était accompagné du Père Général de l’Ordre des Frères Mineurs qui tenait à les encourager, sachant que le Liban subit les conséquences des guerres dans les pays voisins. « Il a invité à ouvrir les portes des couvents et à sortir – a rappelé Fr. Toufic –. Son invitation à s’ouvrir est comme celle du pape François qui invite à aller dans les périphéries. En tant que Franciscains, nous devons être les premiers à accueillir ce message du Pape : nous devons ouvrir les portes pour sortir puis accueillir les gens ».
ACCUEIL À BEYROUTH. Le mot accueil est très significatif pour les frères de la Custodie du Liban. Dans leurs couvents, il se concrétise de différentes manières. « Notre église Saint Joseph, à Beyrouth, est toujours ouverte et connue de tous. On l’appelle "l’église sainte" et beaucoup de personne y viennent pour les confessions », explique Fr. Toufic, gardien de la fraternité composée de trois frères. À Beyrouth, il y a aussi une crèche pour les enfants, gérée par des laïcs ; cette année, elle a accueilli 26 enfants de différents pays et religions. L’accueil n’est pas seulement réservé aux personnes locales, mais aussi aux étrangers de passage : les chambres du couvent sont toujours prêtes à recevoir des hôtes.
HARISSA, DEIR MIMAS, TRIPOLI. La présence franciscaine au Liban est aussi enracinée dans d’autres couvents : celui de Harissa et celui de Tripoli, sans compter les activités qui se déroulent à Tyr et à Deir Mimas. À Harissa, se trouve une communauté de formation, composée de cinq frères. C’est aussi le lieu où se déroule la période précédant l’entrée au séminaire de la région Saint Paul. « À Harissa, nous travaillons aussi avec trois familles irakiennes – explique Fr. Toufic – et les enfants se rassemblent au couvent. On y fait de l’animation et de l’assistance éducative ». Quatorze autres familles de refugiés irakiens ont trouvé un soutien à Deir Mimas, grâce aux franciscains : « Il y a aussi des familles non chrétiennes, mais nous ne voulons absolument pas faire de discriminations. Nous leur offrons une assistance alimentaire et sanitaire et encourageons leurs enfants à fréquenter l’école par le biais également d’aides matérielles ». Les projets avec les refugiés peuvent avancer aussi grâce au soutien de la Fondation Jean-Paul II.
Tripoli est la deuxième ville du Liban et les chrétiens représentent seulement 4-6 % de la population. « Juste après le congrès capitulaire, début novembre nous avons à nouveau assuré notre présence à Tripoli, interrompue depuis 1976 », affirme non sans fierté le gardien de la fraternité de Beyrouth. Aujourd’hui, deux frères y vivent et se sont lancés dans la création d’un centre sportif pour les jeunes, car « le sport est un langage qui ne connaît pas de religion ».
CHRETIENS AU LIBAN. Outre sa population de 4 millions d’habitants, le Liban compte aussi 2 millions de refugiés, dont la majorité est composée de musulmans sunnites ; mais il y a aussi un demi million de palestiniens arrivés après 1948. Aujourd’hui, les chrétiens au Liban représentent environ 38 % de la population, soit entre 1,6 et 1,8 million de personnes. La première communauté chrétienne est la communauté maronite, suivie des grecs-orthodoxes et des grecs-catholiques. Au Liban, la communauté latine compte seulement 15 000 personnes. C’est pour cela que ce sont surtout des chrétiens d’autres rites qui participent aux messes des paroisses de la Custodie de Terre Sainte. Pour les jeunes, les initiatives sont diverses – comme les camps d’été ou l’organisation de la marche franciscaine – mais beaucoup d’entre eux subissent des difficultés liées à la guerre.
JEUNES ET REFUGIES. De quoi ont besoin les jeunes vivant au Liban aujourd’hui ? Pour Fr. Toufic c’est très clair : « Ils ont besoin d’être aimés : voila ce qu’il faut savoir si on travaille avec eux. Ils ont besoin que quelqu’un soit à leurs côtés pour partager leurs angoisses et leurs espoirs ». C’est ce que, chaque jour, les frères franciscains essayent de faire, avec le soutien de la Custodie de Terre Sainte ainsi que celui, essentiel, de l’ATS (Association Pro Terra Sancta).
À cause de toutes ces difficultés, aujourd’hui, de nombreuses personnes émigrent du Liban vers d’autres pays. « J’espère que ces gens auront, un jour, le désir de revenir dans leur propre pays, mais s’ils doivent aller loin, espérons qu’ils ne deviennent pas comme une “marchandise de peu de valeur” – affirme de Beyrouth le frère franciscain –. J’invite à porter sur eux un regard humain. Nous, d’ici, nous faisons de notre mieux, nous cherchons à être des instruments dans les mains du Seigneur. Nous Lui confions notre présence et notre œuvre ».
Beatrice Guarrera